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  • Photo du rédacteurClotaire Mandel

Ce que les réseaux sociaux voulaient de moi.

Dernière mise à jour : 24 août 2020



J’ai depuis quelque temps un profond désintérêt pour les réseaux sociaux, à la limite du dégout.

Et j’ai tenté de sonder la question, de comprendre pourquoi.

Pour faire court, car j'avais premièrement écrit un long article qui ne me plaisais finalement guère, j'ai l'impression de voir constamment les mêmes choses. Quelle que soit la personne qui publie, et combien différent peut on être. Quel que soit l'endroit où l'on voyage et opposées nos expériences peuvent elles être. J'ai l'impression de voir sans cesse les mêmes photos.

La question algorithmique :

Je me déteste un peu de parler de ça, tant le concept me dépasse et tant je peux m’en foutre.

Mais j’ai voulu pigé. J’aime bien comprendre les choses. Et ce qui en sort, pour faire court, c'est que l’algorithme met en avant un certain type de publications, qui sont elles basés sur un même schéma. Et les publications qui suivent ce schéma ont le plus de chance d'être des publications à succès. Ce qui veut dire en quelque sorte que la raison pour laquelle nous voyons toujours la même chose, c'est parce que les gens publient de manière la plus stratégique possible. L'heure et le jour. La photo et le texte. On attire l’algorithme pour attirer l’œil. Puis on pousse à l'interaction pour grandir dans la hiérarchie virtuelle.

En 2020, période de l’histoire où nous avons accès à un tas de savoir absolument démentiel, où l’Homme se déplace en un rien de temps pour aller voir ce qu’il se passe de l’autre côté de la planète, qu’est ce qui fait qu’on stagne dans un niveau relativement médiocre de partage par sa similitude ?


En faisant défiler la page on ne voit qu’une succession de photos similaires.

Autant d'histoires que de protagonistes, pourtant le contenu reste le même, inlassablement.

On sait, sans les connaitre, qui roule avec quel type de vélo ou d’équipement. Pourtant on est bien en peine de saisir ce qui fait la richesse de ces voyages. Bien en peine de recevoir des “nouvelles” du monde.


Tout est fait pour que l'on rentre dans le moule de cette machine qui nous offre la possibilité de parler à plus de monde, de toucher un plus large public. Et donc d'obtenir plus en retour. Et pour parvenir à ce dernier point, il y a quelques règles à suivre. Ce sont des règles tacites, bien ficelés, et les suivre participe à être mis en avant.

Et si vous voyez des comptes qui se mettent à publier uniquement des photos de leurs jolis frimousses en train de faire de la bicyclette, c’est avant tout pour se favoriser une place dans le merdier virtuel. Et ce but ultime fait qu'on ne voit plus grand chose d'autre, car les raisons même du partage ont changées de camp.

Donc, si vous voulez progresser, il faut vous plier à ce que le système attend de vous.


Du coup je me suis dit l’espace d’une seconde, pourquoi pas faire pareil ?



Faire grossir mon compte, devenir plus important et en tirer des bénéfices, quels qu’ils puissent être. Pour ça il faut donc "engager" son audience, créer du mouvement et des interactions. Et ça passe par plusieurs points : aimer, commenter, partager, répondre à des sondages ou des questions. Concrètement, en plus de réguler ses publications pour coller au cadre idéal, on offre à un monde d'inconnus la possibilité de juger, de commenter, de décider parfois même. Mais si c'est ce qui fonctionne, pourquoi ne pas faire pareil ?

Je crois que premièrement et globalement, je refuse de donner trop d'espace à des inconnus lorsqu'il s'agit de mon espace personnel, de mon existence. Et puis ça donnerait l’impression que j’en ai quelque chose à faire de l’avis des gens lorsqu'il s'agit de ma manière de vivre et de choisir la route à prendre. Parce que cette notion d'engagement implique que des inconnus pourrait faire fléchir mes décisions et décider pour moi. Ce qui pour être honnête, est loin de pouvoir arriver.

Je ne veux pas que des inconnus décident de la route à prendre, de la couleur du slip que je vais potentiellement faire l'effort de porter ou de savoir si mes pâtes ont l’air bonnes en sachant très bien que ça ne ressemble à rien.

Pourtant ça semble fonctionner pour les autres. Mais je ne veux pas. Je refuse en fait, tout simplement. Refuse d'être guidé de quelque manière que ce soit par une main invisible, numérique et constitué d'inconnus. Je ne veux pas que ma route le soit, et pas non plus mes dires et partages. Et j'avais longuement écrit sur la manière dont je voyais certaines personnes changer de ton parce que changeaient de stratégie. Ne plus partager par amour de l'écriture et de la photographie mais par simple stratégie de communication et pour faire rentrer la notion de marketing. Simplement, concernant mon petit monde virtuel, je ne veux rien avoir à vendre d'autre que la vérité. J'avais longuement écrit donc, puis ne voulant blesser personne et n'en ayant finalement pas grand chose à faire, j'ai préféré proférer mon auto critique.

Parce que ça me gêne dans la démarche même;

Je trouve alors l'idée de partage biaisé. Trompé par une ligne de conduite qui nous traine loin de la manière dont on perçoit le monde, tant en pensée qu'en image. Cette foutue manie de ne saisir que le plus séduisant pour avoir l’impression d'une vie qui ressemble à quelque chose de sexy et d'enviable. On offre ce qui se vend. Et ce qui se vend brille et fait rêver. Cependant, qu’en est il des jolis mots que chacun se met à chanter lorsqu’on leur demande pourquoi ils voyagent à vélo ? Toutes ces belles notions humaines et ces semblants de recherche sur la sociologie, la religiosité, l'avenue que l'on prend vers l'inconnu, la distanciation social que l'on prend envers son monde. Pourquoi se retrouve t'on dans un modèle binaire de partage puisque nous tendons à vivre ce qui sera chouette à regarder à l'écran ? Pourquoi perd t'on le charme d'une vie en instantané, bien à nous, pour la céder au racontage virtuelle qui nous vole au passage sincérité et pleine conscience de l'instant ? Pourquoi vit on de plus en plus la réalité par le biais d'un écran, qui vient alors nous séparer brutalement mais insidieusement du monde dans lequel on vit ? D'où vient cette envie de tout partager, tout de suite ? Et de le faire dans les règles de l'art pour être le plus vu possible ?

En quoi ce mode de partage bouscule notre manière de voyager ? En quoi le partage devient il alors inintéressant, et qu’est ce que cela signifie ?


Ça signifie que l’on ne poste pas ce que l’on veut. Enfin si, certains le font. Mais pour ceux qui ont des ambitions virtuelles et qui comptent parvenir à leurs fins, il faut se plier à la règle.


Loin de nous blâmer entièrement cependant, car nous créons le contenu que nous savons potentiellement mis en avant par la plateforme.

Ce n’est donc pas forcément une envie personnel que de publier ce que l’on publie, ni de chercher ce que l’on trouve. Mais la plateforme guide celui qui publie vers ce qu’il veut le voir publier. Et ainsi du lecteur de se retrouver avec systématiquement le même schéma et le même contenu car quelque peu imposé en amont.

Mais il est amusant de considérer ce qui est vendeur et ce qui ne l'est pas. Et de voir que je suis bien plus souvent attiré par la douceur et la sincérité de parfaits inconnus, et qui le resteront surement, plutôt que par les "machines à like" de la communauté des voyageurs à vélo.

Et c'est comme ça qu'on en arrive à ce constat : on pourrait ne pas bouger de son jardin, mais poster des photos d’un beau vélo bien équipé, le tout avec une esthétique soigné, et il y a fort à parier que l’ascension serait rapide.

Parce que la construction de l’application et la manière dont les gens l’utilisent font que l’on consomme en quelque seconde chaque post, puis passons au suivant.

Il faut donc du concret. Du tout de suite et du facile à digérer. Du facile à comprendre et à “aimer”.


On peut ainsi offrir au monde son semblant d’amour et d’intérêt pour les autres, du moment que c’est caché derrière des pages et des pages d’autoportraits. Mais qu’est ce que ça dit de nous ?

Ça dit beaucoup simplement par la manière dont la manière de publier, et donc les publications, sont guidés. Et le monde de s'attrouper autour de cette idée admise. Ça dit que nous existons de par notre omniprésence. Nous existons parce que nous avons le pouvoir de devenir une sorte d'idole. Nous n'existons pas au travers la pureté et la constance de notre travail. Nous n'existons pas pour nous même. Mais la notoriété nous offre cette existence.


Et ainsi de passer à côté de l’idée de base, celle qui faisait battre le cœur des voyageurs et aventuriers. Cette noble et haute idée qu’encore maintenant tout le monde chante en chœur, tout en ayant perdu le sens profond qui guident les actes.

J’ai l’impression que l’on passe à côté de l’essentiel. Essentiel parce que c’est ce que nous sommes venus chercher, découvrir. C’est ce qui nous a couté des sacrifices, nécessaires pour accéder sereinement à une vie nomade. Un esprit libre comme point essentiel d'une vie brulante.

Pourtant dans ce que je vois défiler, je me retrouve souvent à admirer l’amour que les gens ont pour eux même. Une énième série d'autoportrait que je ne peux plus supporter.

Ou peut être font ils ça simplement par diktat numérique. Ce qui est finalement pire encore.


Ça dit aussi de nous qu’on est capable d’être guidé dans nos actes et nos pensées pour parvenir à quelque chose de complètement flou et imprévisible. Tel que la pseudo notoriété sur internet.

On peut se passer de parler de l’essentiel. On peut taire ses convictions profondes.

On décide de ne pas publier une photo intéressante parce qu’elle n’apportera aucun retour.

On décide de publier pour publier. Pour rester actif.

On se prive de libertés fondamentales en s’enfermant dans une cage numérique.

On décide d’une route à prendre, d’une photo à saisir, d’une histoire à raconter non pas pour ce qu’elles représentent pour nous ou pour l’intérêt qu’elles peuvent avoir pour le bien commun. Mais par recherche d’une esthétique présentable et qui paiera en retour.

On fait tout ça pour satisfaire un algorithme qui en retour nous nourrira d’une reconnaissance virtuelle.

On se plie à ce qu’un système attend de nous.

On offre ce que l’on nous demande, quand bien même ça ne nous convient qu’à moitié.


Notre genre humain n’a jamais été aussi peu rebelle. Jamais aussi peu vindicatif envers la médiocrité ambiante et la privation de liberté que le numérique traine avec ses belles paroles. Mais aussi, cela touche à l'identité de chacun. La redescente un peu brutal provoquée par l'arrivée soudaine en nouvelle Zélande, est aussi due à cette vie virtuelle. La vie sur la route, le partage, l'aventure. Puis plus rien. Quarantaine, confinement, sédentarité, galères. L'impression, en quelque sorte, d'avoir perdu une part de mon existence. De n'avoir plus grand chose à raconter, et de n'être plus que l'ombre de moi même. Ce compte Instagram, c'est aussi une part de moi puisque c'est un endroit où je peux m'exprimer librement et où les gens m'écoutent. Alors n'avoir plus rien à offrir c'était perdre un peu de moi au passage. Pourtant, celui qui écrit et qui partage, c'est la version charnelle de moi même. La seule qui existe physiquement et qui est capable de penser et d'écrire. Et cette personne à des choses à offrir dans la vie réelle. Il fallait simplement apprendre à se séparer entièrement ce cette partie de moi, le pédalistan. Ce que j'aimerais trouver. La raison pour laquelle je traine sur ce réseau social fût avant tout pour une question d'inspiration. De voir à quoi ressemble les routes, puis les gens. Ce qu'ils mangent, comment ils vivent. Leurs sourires et leurs grognements. Entendre leurs peines et leurs espoirs. Leurs traditions et leurs habitudes. En lieu et place, je ne trouve qu'une succession de photos de vélos d'où les locaux sont absents. Je ne vois de l'aventure des autres et des lieux dans lesquels ils évoluent qu'une succession de portraits bien cadré de leurs vélo dans un décor changeant. Et la substantifique moelle de disparaitre. Peu témoignent de la brutalité et de la beauté de l'existence des gens aux quatre coins du globe. Peu sortent du format autoportrait pour porter le regard vers les autres. A quel moment on a braqué son appareil photo et sa curiosité sur sa seule et unique personne plutôt que sur ceux chez qui ont s'invite ? Fatigué de la même photo du fameux vélo et de l'autoportrait souriant en train de manger des nouilles, j'aimerais voir la férocité et la douceur du monde. J'aimerais voir comment les Hommes vivent, et pour ça je voyage. Mais j'aimerais le voir aussi au travers du regard des autres voyages, par les mots et les images.


Pourquoi parler de tout ça ?

Ben oui, si j’en ai rien à foutre, pourquoi donc en parler.

Parce que j’ai moi aussi failli tomber dans ce piège doré. J’ai failli orienter mes publications, et donc en un sens ma pensée, vers ce que l’on attendait de moi.

D’écrire ça j’ai le peu de cheveux qu’il me restent qui se dressent sur la tête.

Une espèce de force inconnue à bien failli ne faire ressortir de mon voyage et de mon existence que ce qu’elle jugeait esthétique selon certains critères et ce qu’elle jugeait vendeur.


Lorsque l’on comprend ce que l’on attend de nous, notre regard change. On recherche ce que l’on appelle désormais “l’instagramable”.

Quelle triste réduction du monde qui nous entoure que de ne rechercher ce qui sera promis aux nues de la dictature numérique.

J’ai failli ne sortir mon appareil photo lorsque cela m’aurait valu l’amour du public. J’ai failli me désintéresser des individus et des histoires puisqu’elles n’étaient pas présentables à ce dit public.

J’ai failli laisser de côté mon profond amour pour l’humanité, la main de l’Homme et ses histoires.


C’est une clair notion de rendement qu’on a là. Faire ci ou ça dans le but d’en tirer quelque chose. Faire mieux pour en tirer plus.

Aller plus loin, plus vite et plus fort que les autres pour passer au dessus dans l’océan d’utilisateurs affamés de succès virtuel.


C’est pas passé loin. Pourtant, de tout cœur, je promets reprendre la route dès que possible avec des forces nouvelles qui ne seront guidés que par mes instincts profonds et par ma passion pour ce qui m’entoure.

Je promets de continuer à râler lorsque nécessaire et de donner un retour en mots et en images sur le monde tel que je le perçois et le vis. Et non pas tel qu’on aimerait me le faire décrire.

Je me promets le respect de la vérité et de l’acceptation de ce et ceux qui m’entourent sans filtre aucun. Et je me promets d'en être l'inlassable témoin et rapporteur. Si je partage quoi que ce soit c'est parce que je suis le témoin d'un univers de petites choses que peu voient. Et comme tout un chacun, je suis unique. En ce sens, je fais l'expérience de chaque jour qui passe comme personne. et à travers cette unique regard, cerveau, point de vue, expérience ou origine, je témoigne de ce que je vois.

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