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  • Photo du rédacteurClotaire Mandel

La taille compte.

Parfois il me faut prendre une grande inspiration. Souvent en fait.

C’est tellement envahissant de se sentir si petit, d’avoir rêvé si grand.

Ce n’est pas tant une question de distance à proprement parler, que la perspective d'une longue ligne droite qui parfois seulement courbe l'échine.

Et puis c’est complexe d’en parler. Il faut s’être senti au pied d’un immense mur à gravir pour comprendre que même l’imagination ne fonctionne plus au delà d’une certaine limite.

D’autant plus qu’on est seul et qu’il fait souvent froid. Fait il si froid d'ailleurs, ou la démesure des perceptives annihile t'elle toute chaleur humaine ?



Parfois il me faut prendre une grande inspiration. Mais regardez la carte voyons.

On peut pédaler cent, deux cent, trois cent kilomètres. Des jours entiers. Le petit point bleu numérique que je suis sur une carte bouge à peine.

On respire. Et on calcule. Pour avancer si peu, il m’a tant fallu d’effort. Tout ici s'écoule de manière différente. Question de temporalité, le rapport aux distances entre deux lieux où se fait société. Ce qui en temps cycliste correspond à quelques éternités.


D’avoir voulu si grand, je me sens si petit.

Un jour après l’autre. Et oui, aujourd’hui est gris. Mais demain brillera de nouveauté.

Les eucalyptus défilent. Je sais que tout est éphémère. Un œil sur la route, l’autre, l’œil de l’esprit encombré, est au repos. On ne peut se permettre de réfléchir lorsqu’il faut aller si loin. Mes petits mollets taillés à la serpe sont mon seul rapport au temps. Je sais d’effort ce qu’il faut pour me libérer d’un projet si grand.


Parfois, il me faut prendre une grande inspiration. Et un jour, bientôt, ça sera celle du soulagement. Celle du fait accompli. Et à peine fini, allongé au bord d’une plage en Indonésie, je parlerais de ça avec humilité. Personne ne saura la tonne de claques dans la gueule qu’il m’a fallu me mettre, non pas pour me réveiller, mais pour me forcer au silence des pensées. C'est chaque jour le même sentiment au soir venu, lorsque les gens applaudissent en paroles le trajet qu'il nous reste à parcourir. D'être dans la réalisation de soi, de plus grand que soi même. Le dépassement ni par la distance, la hauteur ou la durée. Le dépassement par la résilience quotidienne pour aller au bout de son projet. Et chaque soir je m'endors au chaud, couvert par une tente et un duvet, seul stabilité dans un monde qui chaque jour avance vers des lieux que je ne connais guère. Parfois il me faut prendre une grande inspiration. Et à force de voir grand, un jour j'arriverais à revenir à taille plus humaine. A taille moins égotique. Grande par la simplicité. Marcher autour d'un lac ou de n'importe quoi. Mais marcher autour, avec familles et amis. En racontant combien j'ai rêvé de ce que j'ai quitté pour mieux y revenir après un grand détour nécessaire.

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