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  • Photo du rédacteurClotaire Mandel

Vie et impressions au Canada

Je crois que je ressens l’envie de partager mes impressions quant au Canada. J’ai toujours eu, comme beaucoup j’imagine, une image vraiment positive du pays. Une idée de l’hospitalité et de la générosité canadienne. Mais je dois avouer que toutes ces idées que je me faisais sur le pays se sont déjà confrontées à la réalité, qui me parait tout autre. Malgré tout le bien que j' ai entendu, je n’arrive pas à m’y faire. Ça ne fonctionne pas. Et après quelques mois, je crois que je n’ai même plus vraiment envie que ça fonctionne.

 

I : Les attentes Plus que beaucoup d’autres, ce pays a une représentation très forte dans notre inconscient collectif. La nature, les lacs, les montagnes, la gentillesse et l’hospitalité. Donc commençons par le commencement, les attentes créent les déceptions. Mais tout le monde en parle ! Même si je n’ai jamais eu d’attirance particulière envers ce pays, j’en ai souvent entendu parler. Les vastes espaces, les animaux, le savoir vivre. Alors quand j’ai prévu de traverser les Amériques à vélo, le Canada s’est présenté comme une bonne option pour s’arrêter un peu et travailler, en sachant que c’est un des seuls pays où Je crois que les Français tout particulièrement s'en font tout un monde. Nous voyons ce pays et ses habitants comme des cousins lointains. Mais le Canada c’est immense, et si les copains de la côte ouest sont parmi les plus adorables humains sur terre, ça ne signifie pas que de l’autre côté du pays, ce soit la même chanson. Plus de 4000 kilomètres séparent les deux côtes, autant dire qu’il y a de quoi faire varier une population. Toujours est-il que je suis descendu par le Yukon, la Colombie Britannique, jusqu’à l'île de Vancouver, là où je vis actuellement. Ça fait quatre mois que je suis au Canada, et honnêtement, j’ai du mal à m’y faire.


 

II : La réalité Voilà quelques petites choses qui m'ont un peu surprises du début, pour ne faire finalement que perdurer dans mes impressions. - Froideur Bon, déjà, je m’attendais à un peu plus de joie de vivre. Quelques jours pour prendre la température, intellectualiser le changement de pays, et prendre la route à travers le Yukon. On ne juge pas d’un endroit au premier coup d'œil. Mais plus les jours passent, plus je me questionne : tout le monde fait la gueule ou c’est moi ? Je crois que c’est le premier truc qui m’ait sauté aux yeux. Un peu partout, je ne trouvais les gens pas forcément agréables ni désagréables. Pas accueillant, ni désobligeant. Et plus je descendais, plus je rencontrais de gens, plus j’avais de points de comparaison. Mais toujours la même remarque à moi même, les gens n’ont pas l’air heureux. Comme si à peu près tout le monde baignait dans un entre-deux. Un entre deux que je trouverais en moi plus tard, qu’il me faudra un peu de temps pour intellectualiser. Ni heureux d’être là, ni triste. Juste là. Non pas que l’on demande à tout le monde de constamment sourire ou me proposer une barre de céréales, mais au moins dans les endroits qui basent leur business sur l'accueil et le service. Hôtels, restaurants, cafés, camping. souvent le même constat affligeant. J’ai l’impression de faire chier par ma présence, et j’ai finalement tout sauf envie de poser une question, de consommer dans les petits établissements. - Quelque part entre dangerosité et stupidité Au Yukon, tous les jours je me faisais frôler au moins par une ou deux voitures. Volontairement. Parce que ça doit en amuser certains. Ce qui n’a pas eu l’air d'étonner les Canadiens à qui j’en ai parlé. Et c’est avec ça que j’ai un problème. Qu’on ne m’offre pas de café c’est un truc, qu’on me mette en danger volontairement c’est une autre histoire. Que ce soit au Yukon, Cassiar highway ou Vancouver island, j’ai trouvé les routes parfois dangereuses. Vraiment. Je me souviens de deux fois en particulier où je ne suis vraiment pas passé loin. Le Canada fait partie d’une petite liste de pays où je me suis senti en danger, flirtant parfois avec la stupidité. On me frôle, on fait exprès de rouler dans une flaque à côté pour m’arroser, on accélère pour me laisser dans un nuage de poussière. Ce n’est pas vraiment ce que j’attendais du Canada à vrai dire. J’imagine que ça puisse choquer certains, au point de ne pas croire à tout ça. C’est pourtant mon expérience et mon ressenti. Alors malheureusement, le Canada fait désormais partie de la liste d’endroits où je me suis senti parfois de trop. Le genre d'endroits où l'on m’a jeté des cailloux, de l’eau, frôler, insulter. En gros, ce n’est pas plus brillant ici qu’ailleurs malgré le vernis que l’on appose sur le nom du pays à l’étranger. - Manque d’hospitalité Je comprends que l’on puisse ne pas avoir envie de parler, de sourire ou d’être sympathique. Pourquoi pas. Mais quand on gère un établissement dont l’activité principale est l'accueil d’individus auxquels on vend des services, la moindre des choses, c’est d’être un minimum accueillant. Tout au moins faire semblant sept heures par jour. Si je peux le faire, tout le monde le peut non ? Les exemples sont légions et parfois complètement absurdes. La manière dont on m’a parlé, pour dire des choses parfaitement inutiles ou déplacées. Le manque de tact, l'impolitesse. J'avoue avoir été surpris. Dans un autre registre, en tant que voyageur à vélo, je suis relativement habitué à être invité. À dormir, à manger, à prendre une douche, à boire un café, à papoter. Tout ça a cessé dès lors que j’ai passé la frontière canadienne. Une fois en 2 mois on nous a spontanément invité à dormir, une fois. Et c’était un Québécois. Encore une fois, non pas que j’attend de dormir dans des draps propres tous les soirs, mais là c’est l'extrême opposé. C’est d’autant plus flagrant lorsque l’on arrive d’Alaska. Comme si tout ce que l’on m’avait raconté à propos des US et du Canada était inversé. (Toute proportion gardé cependant, l’Alaska ne représente pas tous les états des EU) Très différent du nord des EU donc. Très différent de l’Europe, de la Nouvelle Zélande, de l’Australie. Personne ne vient spontanément, pour discuter ou voir si j’ai besoin de quelque chose. Et au-delà de ça, j’ai vraiment eu l’impression de déranger lorsque j’ai pu demander quelque chose, au point d’espérer n’avoir rien à demander. En fait, c'est très différent de tout ce que j’ai pu voir jusqu’à maintenant. Parmi les pays considérés comme les pays du nord, les pays développés, les pays riches, c’est jusqu’à maintenant ce que j’ai pu voir de plus froid et individualiste. Et dans un spectre plus large, c’est sans commune mesure avec la quasi-totalité des pays que j’ai eu l’occasion de visiter. Sur la route entre Dawson city et Victoria, je crois que ce fût difficile de trouver ne serait-ce qu’un sourire ou un mot bienveillant. Il y a eu des gens adorables, mais malheureusement, trop peu pour que mon impression générale balance de l’autre côté. Ce qui soulève aussi pour moi une autre question : peut-on se passer de bienveillance ? - Difficile de se faire des amis Car même si on trouve des gens bien sympas sans trop de difficulté, surtout en ville, j’ai trouvé que c’était très en surface. Difficile d’organiser quelque chose, de voir les gens en dehors du travail. Difficile d’approcher les gens à la salle d’escalade ou dans un lieu public. chacun a sa petite bulle, et d’une manière ou d’une autre arrive à le faire clairement sentir. Je ne suis pas le seul à éprouver ce sentiment. Des ami.e.s au Canada avec le même visa ont les mêmes remarques. Et des Canadiens qui ne sont pas de Victoria trouvent aussi que la ville est froide et ennuyeuse, qu’il est dur de se sociabiliser. J’imagine que ça n’aide pas à se sentir bien ici. - Pas tous les oeufs dans le même panier Il va sans dire que tout le monde n’est pas comme ça, et fort heureusement. Nous avons eu de chouettes discussions avec de chouettes personnes. Une fois, on s'est arrêté pour nous donner des cookies. Une fois, on nous a offert une bière. On nous a hébergé quatre fois en deux mois, des québécois, ainsi que nos amis Karl et Shannon. Et sur Victoria j’ai rencontré plein de gens sympas. Sans que ça aille forcément bien plus loin. Avec qui garderais-je contact ? Probablement personne, ou un chiffre s’en approchant. - Coût de la vie Le Canada, c’est cher. Si vous visitez le pays, c’est un budget assez conséquent. Y vivre, c’est probablement pire encore. Ce n’est pas si facile de trouver du travail, encore moins quelque chose de bien rémunéré. Ce n’est pas facile de trouver où se loger, et encore moins à prix décent. Souvent, le prix de la location d’une chambre ou d’un lit au mois s’approche de la totalité de la paie. C’est d’autant plus vrai dans les coins les plus demandés, et c’est aussi pour ça que je suis un peu déçu. Dans l’idéal, j’aurais voulu bosser en montagne, proche des pistes de ski. Mais c’est difficile de trouver du travail et un lit. A noter que si vous trouvez les deux, il se peut que votre salaire ne suffit qu’à payer votre loyer.

Donc en fait, les plus beaux endroits du Canada et les plus attrayants sont les plus inaccessibles et les plus chers, les deux allant souvent de paire. Et de manière générale, un peu partout, la vie est chère. Tout est cher. Donc avec un salaire pas bien énorme, on réduit les sorties. Manger dehors ou aller boire un verre nécessite parfois réflexion, surtout si comme moi vous voulez économiser. En gros, le Canada c’est bien si vous avez de l’argent. Ou si vous ne faites que passer. Y vivre et avoir l’ambition de faire plein de choses nécessite d’avoir des revenus décents. Autant dire que ma vie est plutôt simple, sans fantaisies. - Misère et pauvreté Encore une fois, les clichés du pays se sont effondrés face à la réalité des choses. Dans les communautés du nord du pays, les multiples traumatismes et discriminations envers les peuples natifs ont rendu les choses plus noires qu’il n’en a l’air. Et dans les villes du sud-ouest, c’est carrément effarant. Le truc, c’est que le sud-ouest de la Colombie Britannique (Victoria, Vancouver, Kelowna…) est la partie du pays où l’hiver est le plus clément, le moins froid. Donc tous les sans abris migrent là bas pour survivre à l’hiver. (On parle d’hiver Canadien hein). De plus, le Canada fait face à la crise des opioïdes, comme aux Etats-Unis. Et là, il faut s’accrocher. Même si beaucoup de gens passent sans un regard pour le peuple au sol, il est difficile de ne pas voir la misère noire et les problèmes de drogue. Il n’est même pas nécessaire de sortir du centre ville pour voir l’indicible. Des êtres humains dans des états misérables, en train de fumer du crack ou de s’injecter de quoi tenir. Des gens avec du Naloxone autour du cou ou attachés au sac pour être utilisés en cas d’overdose. Des magasins qui disposent de Naloxone pour prendre en charge les overdoses. Une femme assise entre ses sacs avec une batte de baseball à la main. Des femmes et des hommes pliés en deux sous l'effet d’affreuses substances. Un couple de vieux dans un état lamentable se faisant un petit feu en pleine rue pour se réchauffer. Des jeunes d’une vingtaine d’années ramassant tant bien que mal leurs aiguilles dans une des rues principales du centre-ville.

Honnêtement ? J’ai voyagé et vu des choses. Mais pas ça. Pas comme ça. Pas avec cette intensité. Pas avec cette brutalité. Pas avec cette banalité. Les classes sociales se croisent, se côtoient. Parfois des regards doivent se croiser. Et moi je ne veux plus être là. Je ne veux pas voir ça. Je ne veux pas que les gens souffrent. Je ne veux pas que ça soit devenu normal, banal, partie du décor. Accepté, entendu. C’est une partie de nous tous qui crève sur le trottoir lorsque quiconque souffre ou meurt. D’autant plus qu’il faut s’abstenir de juger. Mais plutôt lire et regarder ce qui décrit la crise des opioïdes. Ce qui rend la situation encore plus insupportable. Ca, c’est le Canada que je côtoie, que je vois. Celui dans lequel je vis. Et ce n'est pas glorieux. - Se sentir ni bien ni mal Finalement, c’est à peu près l’ambiance du moment. Je ne suis ni heureux ni malheureux d’être ici. Ce n’est ni bien ni mal. C’est juste un chapitre. Un petit point d’ancrage nécessaire pour reprendre la route ensuite. Il est étrange cet entre deux. J’ai du mal à le cerner. Je n’ai pas envie de fuir, mais si j’avais 10 000 euros, je repartirais demain matin à la première heure. - Pas seul Si j'avais peur d'être négatif, j'ai aussi senti le besoin de parler de tout ça autour de moi, et il semblerait que je sois loin d'être le seul à ressentir tout ça. Les voyageurs de manière générale, des gens avec le même visa vacances travail, et des Canadiens qui viennent de l'autre bout du pays et qui peinent un peu à l'ouest.

 

III Un peu de contexte : -Vivre dans la comparaison permanente La réalité, c’est qu’il est aussi facile de vivre dans la comparaison permanente. Entre la quantité de pays que j’ai pu visiter avant, et les rencontres passées, plus j’avance, plus j’ai de points de comparaison. De plus, le côté quelque peu cliché du pays n’aide pas vraiment non plus. On s’attend à quelque chose. A un côté carte postale, à un côté monde des bisounours. Ce n’est pas vraiment la réalité. On m’a d’ailleurs dit que l’idée du Canada que l’on véhicule était vraiment il y a quelques décennies encore, mais que le pays a changé rapidement et radicalement. - Les québécois Il faut dire que les cousins Québécois n’aident pas non plus ! Il paraît que la côte Ouest et Est ne s’entendent pas vraiment. Ce que je veux bien croire, tant le changement d’ambiance est palpable dans le rapport entre les gens d’un côté ou de l'autre du pays. Tous les contacts prolongés et sincères, les invitations diverses et variés provenaient la majeure partie du temps de Québécois. - L’Alaska De plus, j’arrivais d’Alaska. Et honnêtement, ce fût une très belle surprise que la gentille et l’accueil des locaux. Je m’attendais donc à une sorte de prolongation de cette impression, de ces expériences, au Canada. Et ce fût la douche froide.

Lorsque dans un camping, on m’a claqué la porte au nez lorsque j’ai proposé de payer pour prendre une douche, j’ai repensé à la différence entre la rigueur du terrain en Alaska et la douceur des gens.

J’avais envie de faire demi-tour.


- Le reste du monde

Puis finalement, avant l’Alaska j’étais quelque part en Asie et en Australie pendant un bon moment. Et avant cela, j’ai traîné dans un paquet de pays sur plusieurs continents. Et comme une chaîne humaine, l'accueil, la bienveillance et l’hospitalité n’ont fait que s’enchainer. Jusqu’à ce que je me sente vraiment seul au Canada, enfermé dans l’espace autour de l’individualité d’autrui.


 

IV : La suite

Lorsque je me suis arrêté à Victoria, tout est allé très vite. J’avais envie que ça aille très vite. Envie de travailler, de mettre de l’argent de côté, de repartir.

Mais une question pourtant demeurait. Devrais-je prendre le ferry en ville et filer sur l'État de Washington ? Ou continuer vers l’Est pour rattraper les rocheuses, en roulant la partie que je n’ai pas roulé puisque nous avons pris le ferry depuis Prince Rupert.


J’aurais trop l’impression d’avoir fait les choses à moitié. Déjà, de ne pas avoir tout roulé, mais en plus de ne pas avoir vu la partie la plus impressionnante en plus d’être parti sur une mauvaise note.

Alors je vais prendre la voie la plus longue.


- La carte postale

Parce que la plupart des photos viennent d’un endroit, les rocheuses, je ne peux décemment pas partir sans y être allé faire un tour.

Alors je vais remonter par Squamish et Whistler, suivre la portion de route que j’ai loupée l’automne dernier jusqu'à Jasper, suivre la route jusqu'à Banff et descendre à travers les rocheuses jusqu’au Montana.


- Vie sauvage

De plus, je suis resté un peu sur ma faim avec la vie sauvage. Je n’ai pas vu assez d’ours, et veut en voir encore. Sans compter que je n’ai pas vraiment pu photographier ce que je voulais, alors il va falloir corriger ça.


Conclusion provisoire

Dans l’immédiat, je soutiens l’idée de traverser ce pays car c’est le lien entre l’Alaska et les 48 états du sud. Voyager seulement dans cette partie du monde, avec la seule idée de traverser le pays, et dans cette partie du Canada, ça n’aurait pas vraiment de sens pour moi. C’est cher, parfois long et finalement pas si merveilleux.

Mais c’est facile à dire après l’avoir fait. Il a fallu venir et voir ça de mes propres yeux.

Il y a tant à faire et à explorer ici. C’est un chouette pays pour des aventures de gauche et de droite, mêlant montagne, vélo et packraft. Mais dans l'optique d’une traversée du pays, j’ai trouvé ça parfois un peu long, souvent peu intéressant.


On peut ne pas être d’accord avec moi. Nous avons tous des expériences différentes, rencontrons des gens différents et expérimentons un pays de manière individuelle.

Mais c’est mon sentiment.


J’ai grand espoir pour la route qui traverse les rocheuses. Cependant, à l’échelle du pays, c’est une petite portion, et ça ne justifie peut être pas la traversée nord sud. D'ailleurs pas mal de gens décident de sauter une partie de l'Amérique du nord lors de leur épopée à travers les Amériques.

Je n’ose pas parler de la traversée Est-Ouest qui apparemment est longue, plate et laborieuse.

Donc les Rocheuses, sûrement. Et j’aurais finalement vraiment aimé rouler la Dempster Highway. Mais c’est comme ça. Une autre fois peut-être.

Il faut être conscient que c'est un grand pays, et que ce n'est pas une carte postale constante. Prenez le temps d'étudier le parcours et ce que vous souhaitez réellement faire, vos motivations profondes. Après tout, tout ceci n'est que mon avis.

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